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pagne avait donc abouti. L’évidence s’était faite. Il accabla d’ironies ceux qui n’avaient pas vu clair, dévoila leur ignorance en même temps que leur bassesse d’âme. Borluut prenait un âcre plaisir à ces luttes. Il jouissait de l’Action. Il vivait comme dans la flamme et les fumées.

Ce combat pour Bartholomeus n’avait été qu’une escarmouche, victorieuse, celle-ci, après l’autre, celle de la soirée du meeting, qui fut néfaste, elle, sembla une défaite contre un ennemi invisible, à travers la nuit et de la pluie. La guerre continuerait, la guerre contre le Port-de-Mer, la guerre pour l’art et l’idéal, pour la beauté de la ville. Cette beauté de Bruges, encore inachevée, était son œuvre, sa fresque de pierre, qu’il avait à défendre, comme Bartholomeus la sienne, et vis-à-vis des mêmes ennemis.

L’Action ! L’Action ! Ivresse d’être seul et de vaincre ! Peut-être qu’ici encore il triompherait. Mais combien d’obstacles et d’assauts ! Borluut s’en rendait compte et songeait, non sans mélancolie, que les grands hommes ne s’imposent que malgré tout le monde.