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une assemblée publique où on communiquerait l’état de la question, les plans adoptés, les crédits nécessaires, les concours promis.

Des affiches flamandes furent placardées, portant ce titre insolite et qui choquait comme un blasphème dans le calme religieux des rues : « Meeting monstre », ainsi que l’objet de la réunion et les noms des dignitaires de la ligue. Mais ceux-ci savaient bien qu’ils ne s’exposaient à rien, connaissant l’apathie des habitants qui ne se dérangent guère, liraient à peine la bruyante convocation, auraient garde de s’aventurer dans une affaire et une assemblée qu’ils ne connaissaient pas.

Farazyn avait prévu que Borluut tout au plus profiterait de l’occasion. C’est même lui qui eut l’idée de cette réunion publique, comme un piège où son ennemi tomberait. Borluut, en effet, n’hésita pas. Une vaillance l’enfiévra, la joie de la bataille face à face, avec la Foule enfin, et en rase campagne, après trop d’escarmouches, derrière des fourrés et des glacis. Naïf et illusionné, il crut que le peuple de Bruges allait se porter là en masse, et qu’il pourrait le persuader, l’agenouiller devant la beauté évoquée de la ville. Tous les jours précédents, Borluut fut dans une grande agitation. Il avait battu le rappel de ses plus fidèles à la confrérie des archers de Saint-Sébastien, des plus irrités contre une entreprise qui menaçait leur antique local.

Il comptait que tous les membres l’escorteraient,