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— Le plus admirable, fit Bartholomeus, ce fut d’avoir joué nos noëls anciens. J’ai eu des larmes aux yeux ; c’était si doux, si doux, si lointain, si lointain… Les hommes doivent réentendre ainsi parfois les chansons de leur nourrice.

Farazyn dit :

— Le peuple tout entier fut ému, parce que c’était en effet la voix de son passé. Ah ! ce bon peuple de Flandre, quelles énergies sont encore en lui, qui éclateront, sitôt qu’il aura repris conscience de lui-même. La patrie renaîtra, quand de plus en plus elle aura restauré sa langue.

Alors Farazyn s’exalta, développa tout un vaste plan de renaissance et d’autonomie :

— Il faut qu’en Flandre on parle flamand, non seulement parmi le peuple, mais dans les assemblées, en justice ; que tous les actes, pièces officielles, jugements, noms de rue, monnaies, timbres, que tout soit flamand, puisque nous sommes en Flandre, puisque le français est le parler de France, et que la domination a cessé.

Van Hulle écoutait, sans rien dire, taciturne comme à l’ordinaire ; mais une flamme courte, intermittente, soufrait ses yeux stagnants… Ces projets de branle-bas l’inquiétaient ; il eût préféré un patriotisme plus intime et plus silencieux, un culte pour Bruges comme pour une morte dont un peu d’amis parent le tombeau.

Bartholomeus objecta :