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XI


L’automne s’aggravait. Un automne de feuilles mortes, un automne de pierres mortes, dans la ville au déclin. Ce fut la grande semaine de la tristesse de Bruges, l’Octave des Trépassés, durant lequel elle s’enveloppe de brumes et de cloches, s’abîme en une mélancolie plus inconsolable…

Il n’y a pas que la commémoration des morts. C’est celle aussi des deuils intimes, des rêves défunts, des espoirs finis, de tout ce qui exista en nous et qui mourut. Joris souffrit de son triste amour qui commençait à être comme s’il n’était plus. Godelieve, de jour en jour, s’était retirée de lui davantage.

Préparée par la terrible alerte, influencée par son confesseur dont elle suivit fidèlement les avis, elle eut vite fait de ne plus retomber dans le péché, qui était aussi le péril. Ah ! la lutte de Joris contre Dieu fut brève. Pourtant il garda la soif et le regret d’elle, de son baiser si différent de celui de Barbe. Elle, on sentait qu’elle se donnait et ne prenait rien. Offrande