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sorte de piège, les sorties, les rencontres, les gestes qui ne se savent pas épiés, les regards où tout se prouve.

Ainsi induite aux soupçons, Barbe demeura effondrée, un peu incrédule aussi, malgré les indices qu’elle-même recueillit. Elle fut atteinte dans son orgueil. Depuis longtemps, elle s’était détachée de Joris, lasse de lui et de tout baiser. Mais son amour-propre se révolta, surtout d’être supplantée et trahie par sa sœur. Elle se refusait encore à y croire. Indécisions ! Admettre, puis repousser ! Trouver évident, puis invraisemblable ! Les deux pôles ! Va-et-vient, comme d’une barque aux flancs opposés d’une vague ! Et le pire, c’est cette oscillation sans fin !

Barbe tâtonnait, supputait les chances, examinait le cas en analysant les deux complices. Certes Godelieve était doucereuse et cette façon d’être s’accommode souvent de fourberies cachées. Barbe se sentit venir une aigreur, une rancune contre sa sœur qui, en tout cas, avait dépassé la familiarité permise pour faire naître ses propres soupçons et ceux dont témoignaient les papiers anonymes.

Godelieve, ne se doutant de rien, fut étonnée des impatiences de Barbe, qui, à présent, se tournaient également contre elle. Jusqu’ici, elle avait été plus épargnée et c’est ce qui lui permettait de pacifier, de s’interposer efficacement. Maintenant, elle-même se trouvait en butte, comme Joris, à l’humeur fantasque qui soufflait en tempête dans la demeure. Mais ils