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IX


Barbe rentra, après un mois d’absence. Sa santé ne s’était guère améliorée, ni son humeur non plus. Les préparatifs de départ, l’énervement du voyage, tout cela, comme à l’habitude, l’avait remuée de nouveau. Elle apparut encore irritable, hérissée. Son visage était pâle. Joris songea à la bouche trop rouge, maintenant fanée. Il eut la vision d’un avenir qui se rouvrait noir de menaces et d’alarmes.

Mais l’amour de Godelieve compensait tout. Celle-ci avait eu la même impression au retour de sa sœur et la communiqua à Joris :

— Qu’est-ce que cela fait, puisque je t’ai ? avait-il répondu.

Leur bonheur intact était de ceux que rien n’assombrit. Ils demeuraient encore extasiés l’un de l’autre, se renvoyant leur amour comme le ciel et l’eau se renvoient la lune. Ils en étaient tout éclairés réciproquement. Ceux qui aiment ne s’en doutent pas, mais ils vont, lumineux ! La douleur est la loi ;