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parée à côté de la sienne. Et sans plus le regarder, sans rien dire, elle rouvrit son Paroissien et se remit à lire la messe du mariage.

Joris la regarda, gagné par ce mysticisme angélique où elle s’exaltait, transfigurait la faute prochaine. Elle s’avouait devant Dieu, sans remords, avec joie et certitude, comme si elle l’avait vu, du fond de ses mystérieux paradis, acquiesçant et bénissant. Ce n’était pas, pour elle, un simulacre, de quoi se leurrer ou s’absoudre. Elle célébrait ses justes noces. Peut-être qu’elle avait raison au point de vue de l’Éternité. Joris se sentit inondé d’une grande joie. Il s’attendrit de voir qu’elle avait tenu à être bien mise, agrafa de secrets bijoux, tout un luxe caché sous un long manteau, mais qu’elle lui dévoilerait sans doute au retour.

Après un long temps de prière, il la vit qui ôtait ses gants. Il regarda, intrigué. Qu’allait-elle faire ? Alors, elle sortit de sa poche un écrin, en retira, des alliances, deux anneaux d’or massif… Religieusement elle en mit un à son doigt, puis, attirant à elle la main de Joris, elle lui glissa l’autre… Et, gardant cette main dans la sienne, en une étreinte chaste comme si un prêtre l’avait couvée de son étole, elle lui demanda avec une voix de la plus confiante tendresse :

— Tu m’aimeras toujours, n’est-ce pas ?

Leurs alliances se touchèrent, se baisèrent, anneaux rivés d’une chaîne mystique que Dieu venait