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V


La névrose de Barbe empira. Elle avait maigri ; son teint était blême. Pour la moindre contrariété : un objet brisé, le départ d’une servante, une remarque faite, elle s’énervait aussitôt, s’emportait. La maison était sans cesse orageuse ; on vivait dans l’attente d’un coup de tonnerre. Il y fallait de la part de Joris et de Godelieve une continuelle surveillance de soi, une patience sans limite et docile à son humeur comme la moisson au vent. Pour Godelieve, c’était facile ; tout enfant, elle fut préparée et se plia à la fougue intraitable de sa sœur ; sa douceur native demeurait égale, unie et sans pli, toujours semblable à elle-même, paix d’une eau gelée que la bise déchaînée, pas plus que la brise, ne dérange et ne ride. Joris se résignait moins à tant de caprices, de sautes de vent, de hasards contradictoires ; et jamais la sécurité ! De plus, l’énervement est contagieux. Lui-même, par moments, se trouvait à bout de contrainte et regimbait, se redres-