Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/172

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même de comparer, car c’est ici, à cause de la cloche de Luxure, qu’il conçut ce violent désir d’elle. Les sens en feu, une fièvre au visage, il avait pensé à cet amour, comme on doit penser à un crime. Dans la cloche obscène, il avait cherché son corps, imaginé son spasme. Maintenant, au contraire, qu’une tendresse immense pour Godelieve l’envahissait, il eut peur de la cloche de Luxure ; il ne s’aventura plus sur la plate-forme supérieure où elle est suspendue, à côté de la cloche qui sonne l’heure ; il la fuit ; il la détesta comme un vase de péchés, comme une image satanique qui aurait sali et avili sa pure vision. Et Godelieve, n’étant pour lui qu’une âme, s’incarna dans la clochette, dont la chanson blanche, en ce temps-là, plana, domina tous les jeux du carillon, musique d’éclaircie et d’embellie, qui, une fois encore, fut le tableau de sa vie.