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l’impression du texte des phylactères dans les tableaux des Primitifs. On cherchait une banderole à ses lèvres. Ses mots ondulaient en silence.

Pourtant Joris remarquait son soin à adoucir Barbe, à tout assumer, à éviter les conflits, à faire de discrets raccords, dès la moindre alerte. Il y fallait une attention subtile et affectueuse. Barbe, toujours ombrageuse, susceptible et hérissée, s’y prêtait peu. Godelieve multipliait son zèle de bonne sœur. Parfois, grâce à elle, il y eut des détentes, un entretien confiant et plus amical. Elle était entre eux comme un canal entre deux quais de pierre. Les quais sont face à face, distants néanmoins, et ne se réuniront jamais, mais l’eau mêle leurs reflets, les confond, semble les joindre.

La vie pour Borluut fut meilleure, grâce à elle. Il passa quelques mois d’apaisement. Pourtant il y eut, un jour, une nouvelle colère violente de Barbe qui, cette fois, ne se laissa pas intimider par Godelieve. La scène commença à propos de vétilles, comme toujours : Joris avait égaré une clé ; on chercha ; Barbe s’énerva, accusa ses négligences, réédita d’anciens griefs, des torts imaginaires, en vint tout de suite aux mots vifs. Voilà que Joris, moins résigné, ce jour-là, ou soutenu par la présence de Godelieve, se rebiffe, reproche à Barbe ses manques d’égards, sa perpétuelle mauvaise humeur. Instantanément ce fut une débâcle. Barbe devint livide, poussa des cris, toute une avalanche de paroles blessantes qui