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DEUXIÈME PARTIE

L’AMOUR

I


Godelieve, après le décès de l’antiquaire, était venue habiter chez sa sœur, dans la maison de Joris. Elle n’avait plus osé rester seule, à cause du mort, à cause des souvenirs du mort.

— De quoi as-tu peur ? lui demandait-on.

— De rien et de tout. On croit toujours que les morts ne sont pas tout à fait morts et qu’ils vont revenir.

Godelieve s’effrayait de son ombre, de son propre pas, du moindre bruit insolite. Son image surgie en un miroir venait au-devant d’elle comme un fantôme. Elle avait peur du soir surtout, redevenait comme un enfant, regardait sous son lit, agitait les plis de silence des rideaux. Il lui semblait qu’elle allait à chaque instant heurter un cadavre.