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de collectionner des dentelles pouvait-elle surgir ailleurs qu’à Bruges, la Bruges des béguines, des permanentes dentellières, des monuments aux guipures de pierre, où elle fut réalisée en ce nom doux comme une parole d’ange et qui résume la ville entière : « Musée de dentelles » ?

Quand on inaugura le Palais restauré, ce fut un émerveillement qui grandit le renom de Borluut.

Décidément il était le bon génie de la cité, qui la révélait à elle-même, lui mettait au jour d’occultes trésors, qu’elle ignorait.

On l’en récompensa par des honneurs publics. On lui décerna des fêtes, des sérénades.

Un autre honneur lui échut dans le même temps qui le toucha davantage. L’antique Gilde des Archers de Saint-Sébastien l’élut à l’unanimité pour la présider. C’était la plus ancienne société de la ville ; dès 1425, elle recevait du magistrat une rente annuelle de cent livres parisis. Elle avait, d’ailleurs, pris part aux Croisades ; et c’est pourquoi, aujourd’hui encore, dans les cortèges et ommegancks où elle figurait, il y avait de petits nègres, des Turcs, des hommes à cheval coiffés de turbans, pour entourer sa séculaire bannière. La confrérie occupait toujours le même local, ce vieux palais à svelte tourelle, gracieuse comme un corps de vierge, au bout de la rue des Carmes, où elle vint se fixer au seizième siècle. Tout s’y conservait intact : ce livre des legs