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cette Passion signée en 1529 par la sœur de l’évêque de Bruges, qui y disposa le linge de Véronique, le coq de saint Pierre, le soleil, la lune. Et des pièces de rareté unique : la nappe de première communion de Charles-Quint, donnée ensuite par lui à l’église d’Audenarde et transmise ici, avec ses armes dans un coin, la couronne du Saint-Empire posée sur l’Agneau pascal qui en a l’air dominé, écrasé sous ce fardeau, inexorable même pour ce qui est divin.

Partout, le déroulement de ces exquises dentelles, en larges bandes, en rectangles symétriques. Un caprice infini : des fleurs, des palmes, un fouillis de lignes qui sont aussi mystérieuses que les lignes de la main. N’est-ce pas comme un vitrail de linge ? N’est-ce pas comme une géographie de fils, ruisselets, nappes, amas d’eau gelée, ruissellement calme, ici tari et bu, aboutissant au vide, là s’éparpillant en méandres, en petites ondes qui se prennent et se quittent.

C’est la caractéristique du point de Bruges, ces traits intermédiaires qui raccordent les rosaces, les dessins épars. D’autres points sont comme filigranés. Celui de Bruges est une orfèvrerie plus massive, quoique si frêle encore. Jardin blanc ! Marguerites et fougères de gelée, comme nées sur une vitre, et qu’un souffle abolirait.

Dans la précieuse collection, il y en avait qui remontaient jusqu’à l’an 1200. N’était-il pas logique qu’elles aboutissent ici ? Cette délicieuse idée de