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renouveau régna : la balustrade à jour se continua sans arrêt ; les fleurons furent printaniers ; les ogives tendirent leur arc neuf.

La restauration de Borluut était achevée. Qu’allait-il advenir du vieux palais reconstitué ? Mais est-ce que les choses ne s’appellent pas ? Il y a des analogies mystérieuses. Un rythme conduit l’Univers. Les destinées s’harmonisent. Quand la maison est bâtie, vient l’hôte qu’elle mérite et qui devait venir. Ainsi quand le palais de la Gruuthuus était un mendiant, las des longs chemins de l’histoire, assis au bord d’un quai de Bruges, il ne connut que les pauvres, ceux qui lui ressemblaient. On en avait fait le Mont-de-Piété.

Au contraire, dès que le Palais, comme touché par un magicien, redevint lui-même, sa destinée changea. À ce moment, mourut une vieille douairière qui légua, pour y être conservée et exposée, une merveilleuse collection de point de Bruges. Le Palais étant maintenant une dentelle de pierre, il fallait qu’il devînt un musée de dentelles. Attirance mystérieuse ! Tout correspond. On se mérite à soi-même ce qui advient. Et les événements s’accomplissent, selon qu’on a fait son âme.

Dans les salles furent disposées les frêles merveilles, brodées à l’aiguille, brodées aux fuseaux. Il y en a qui durent consumer toute une vie. Quelques-unes constituent un vrai tableau : telle cette chasse où l’on voit le chasseur, le chien, les perdreaux ; telle