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— Je sais, reprit Farazyn. Il l’adore, la couve pour ainsi dire. Pauvre vieux !

— Oui ! Personne n’en peut approcher. Elle ne sort jamais sans qu’il l’accompagne. Chez lui, il est toujours à ses côtés. Chacun est comme l’ombre de l’autre.

— N’importe ! observa Farazyn. Elle doit rêver une autre existence.

Alors, il se démasqua soudain, entra dans des confidences, confia à Borluut que Godelieve lui plaisait infiniment et qu’il songeait à l’épouser. Depuis longtemps, il avait cherché à se déclarer ; mais qu’est-ce que l’aveu du regard, le fluide du visage, l’insistance de la main dans la main ? Faibles signes ! Surtout que Godelieve a toujours l’air absent et regarde ailleurs, avec ses yeux distraits, des yeux qu’il faut sans cesse ramener, renouer à la conversation.

Il avait tenté aussi, pour être plus explicite, de la trouver seule un instant, aux réunions du lundi soir, soit en arrivant avant l’heure, soit en s’attardant le dernier. Mais jamais l’antiquaire ne la quittait, gardien minutieux de son trésor.

Farazyn proposa à Borluut d’être de connivence avec lui. Ce serait agréable pour tous les deux qu’ils fussent liés par des liens de famille, et utile aussi, au point de vue de leur influence et de l’orientation de la Cause. Donc Borluut pourrait, par exemple, inviter Godelieve, un de ces prochains dimanches, à