Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étages, ses briques enluminées. En face, le Palais du Gouverneur opposait ses lions de pierre, gardiens héraldiques du vieux style flamand, qui avait reconstruit là une belle harmonie de pierres grises, de vitraux glauques et de sveltes pinacles. Sur le palier de l’escalier gothique, se tenaient, couverts d’un dais cramoisi, le Gouverneur de la province, les échevins, en tenue officielle et chamarrures, afin d’honorer cette cérémonie liée aux plus antiques et chers souvenirs de la Flandre.

L’heure du concours approcha.

À coups sonores, le bourdon du beffroi ne cessait pas de sonner. C’était la cloche du Triomphe, celle des deuils, des gloires et des dimanches qui, fondue en 1680, habita là-haut depuis lors et dont le battement, comme celui d’un grand cœur rouge, marqua toutes les pulsations du temps dans les rouages de la tour. Depuis une heure, le bourdon annonçait aux horizons, convoquait. Brusquement les coups se ralentirent, s’espacèrent. Un grand silence. Les aiguilles du cadran qui se cherchent, se fuient tout le jour, s’ouvraient maintenant en compas. Encore une ou deux minutes et l’heure de quatre heures s’accomplissait. Alors, dans le vide du bourdon tu, une aubade indécise, un gazouillis, un éveil de nid chanta, vagues arpèges de mélodie.

La foule écouta ; quelques-uns croyaient que s’ouvrait déjà le concours ; mais ce n’était que le jeu mécanique du carillon, produit par le cylindre de