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XII


Les réunions du lundi soir chez l’antiquaire continuaient, mais comme une vieille habitude, déjà machinale. Les années avaient refroidi l’enthousiasme premier. Où est le temps des paroles enflammées, des projets séditieux ? Ils rêvaient une Flandre quasi autonome, avec un comte local, avec des chartes et des privilèges comme autrefois. Au besoin, ils se seraient affirmés séparatistes. C’est pourquoi ils avaient l’air de conspirateurs, se réunissaient comme s’ils étaient chaque fois à la veille d’une prise d’armes, brandissant les mots comme des épées. Le premier effort avait été d’imposer la langue flamande en Flandre, partout, dans les assemblées, en justice, dans les écoles, et pour tous les papiers, actes notariés, documents publics, état civil, c’est-à-dire d’en faire la langue officielle, au lieu et place du français, enfin proscrit, chassé de la ville, comme déjà au temps de ces fameuses Matines de Bruges où furent