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Que la nuit indulgente avait pris sous son aile
Se murmurer tout bas la chanson éternelle
Faite d’ardents baisers, de pleurs et de serments
Qui vibrera toujours aux lèvres des amants ;

Ô Faust ! ô Roméo ! qu’un autre vous envie
Car moi j’ai pu goûter une fois dans ma vie
Ces moments de tendresse et de transports fiévreux
Où l’on voudrait mourir — se sentant trop heureux !…
Car un soir comme vous, devant la mer sans voiles,
À l’heure où dans le ciel s’allument les étoiles,
J’ai trouvé l’idéale enfant que je rêvais ;
Et soudain oubliant tout mon passé mauvais
J’ai souri, j’ai chanté, j’ai sanglotté, que sais-je !
En sentant que mon cœur fondait comme une neige
Sous son regard d’amour plus brûlant qu’un baiser ;
Et sans prévoir qu’un jour il pourrait se briser,
J’ai caressé ce rêve où je l’aurais pour femme
Le front couvert d’un voile aussi blanc que son âme !…