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C’est ainsi que parfois j’évoque — en respirant
L’exquise odeur de violette —
D’humbles filles du peuple au charme pénétrant
Malgré leur très simple toilette.

Ainsi le doux arôme extrait du foin coupé,
Quand il m’effleure le visage,
Rappelle à mon esprit triste et préoccupé
Un vague et riant paysage,

Où les meules de foin forment des campements
Toutes rondes comme des tentes —
Et dans la paix du soir enivrent les amants
Avec leurs senteurs excitantes.

Oh ! j’aime les parfums ! aussi quand je serai
Près d’agoniser sur ma couche
Qu’on m’offre des flacons d’odeur et qu’à mon gré
L’un après l’autre on les débouche.

Car je pourrai — grisant mon esprit expirant
Par ces senteurs douces ou fortes —
Rêver d’éternité future en respirant
L’âme immortelle des fleurs mortes !…