Page:Rodenbach - La Mer élégante, 1881.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Elles lèvent un peu leurs voilettes de tulle
Pour mieux voir écumer les flots sur le brisant ;
Au bord de leurs chapeaux leur chevelure ondule
Sous le vent de la mer qui chante en les frisant.

Dans leur corsage étroit leurs seins, comme deux vagues,
Montant et s’abaissant, font frémir le tissu ;
Et dans leurs doigts gantés qu’enrichissent des bagues
Se fane le bouquet que chacune a reçu.

Leurs robes aux tons clairs, blanc, bleu, gris, jaune et rose
Où sont cousus des nœuds de soie et des rubans,
Se mêlent, comme on voit dans le grand ciel morose
Des nuages teintés se fondre aux soirs tombants.

Dans un coin de la plage elles sont là, groupées :
Le parasol leur fait comme un fond de portrait
Où s’accuse en relief leur tête de poupées
Qu’un artiste mignard et raffiné peindrait.

Elles sont là lisant, riant, jasant sans suite ;
L’eau monte et vient mouiller leurs souliers mordorés,
Car l’eau veut les baiser ces petits pieds en fuite
Qu’elle aime à voir courir sur leurs talons cirés.