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Adieu les vérandahs chaudement parfumées !…
Comme au jour d’un décès, on a clos les villas ;
C’est pour l’Été défunt que toutes sont fermées
Et porteront le deuil jusqu’aux prochains lilas.

Mais quand l’été nouveau luira, le gai village
Les verra revenir, les amants de la mer
Qui s’ébattront encor sur la digue et la plage :
C’est pour mieux refleurir que l’arbre dort l’hiver.

Seul notre amour est mort sans qu’il puisse renaître ;
Le roman est perdu, sans qu’il soit achevé ;
Pourtant j’avais donné le meilleur de mon être
Pour qu’il fût aussi beau que je l’avais rêvé.

Comme Hercule filant au rouet d’or d’Omphale,
J’aurais voulu l’aimer pour la vie, épanchant
Comme un baume à ses pieds ma chanson triomphale,
Loin du monde orgueilleux, loin du monde méchant !

Seul notre amour est mort ! Est-ce donc bien possible
Que nos serments d’hier soient des serments passés,
Que le dard n’ait tremblé qu’un instant dans la cible,
Qu’au sable de nos cœurs nos noms soient effacés ?