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Son visage a les tons de l’ivoire jauni,
Son chapeau retenu par des brides fanées
Étale tristement ses roses surannées,
Car la gloire est passée et le rêve est fini !…

Elle chante aujourd’hui pour manger et pour vivre,
C’est pour gagner son pain qu’elle court les chemins ;
Et dire qu’autrefois on lui battait des mains
Et que rien qu’à la voir le public semblait ivre !…

Ivre de sa beauté quand elle apparaissait
En robe de satin sous les feux de la rampe,
Ses cheveux blond cendré frisant près de la tempe,
Et des camélias piqués dans son corset.

Ivre de sa façon discrètement obscène
De chanter tour à tour en variant sa voix
Des romances d’amour ou des couplets grivois,
— Déesse qui régnait sur l’autel de la scène !

Elle n’avait qu’à vivre, aimer, rire, chanter ;
Elle était riche et belle, elle était jalousée !…
Et voici qu’elle est là maintenant la risée
Des gens de mer qui sont près d’elle à l’écouter !…