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Elle est tout à l’ouvrage et ne voit même pas
Ces viveurs qu’elle attire embarrasser ses pas ;
Elle travaille et court sans souci, sans idées,
Nettoyer promptement les cabines vidées
Où de nouveaux baigneurs, montés d’un air joyeux,
Lui donnent leur ticket en faisant de doux yeux ;
Elle conduit au bain quand monte la marée
Bien des petits enfants craintifs à leur entrée
Mais qui rassurés vite entre ses bras de fer
Sautent sous la caresse humide de la mer !
On dirait qu’un pouvoir magique règne en elle,
Car n’ayant qu’un grossier costume de flanelle,
Étant sale et vulgaire, ayant bras et pieds nus,
Elle donne pourtant des frissons inconnus
À tous ceux qui la voient s’agiter sur la plage !…
C’est qu’elle a la beauté de la forme et de l’âge,
C’est que vibre, à travers son jupon enroulé,
Le poème charmant de son corps ciselé
Que tous, comme saisis de fièvre et de délire,
Voudraient dans le détail épeler et relire !…

Ô Rubens, c’est ta femme !… et le vieux sang flamand
Comme une liqueur pourpre y coulé abondamment ;