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SOIRS DE PROVINCE


Quand, accoudés aux parapets,
La bise, si peu qu’on la sente,
Vous rend du rêve et de la paix
Par sa douceur rafraîchissante,

Avez-vous vu, quand sur les ponts
Debout dans leur orgueil de pierre
Vous entendez à petits bonds
Chevaucher l’eau de la rivière,

Dites, avez-vous remarqué
Combien l’eau se plaint et frissonne
Et demande aux parois du quai
Pourquoi le granit l’emprisonne.

C’est vrai qu’avec des soins pieux
La nuit, comme au cou d’une amante,
Met ses bijoux silencieux
Sur cette eau qu’un regret tourmente,

Les beaux bijoux des astres d’or,
Mais ce luxe du ciel, qu’importe !
Et la rivière pleure encore
Parce qu’un sort fatal l’emporte,