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Ils vivent de la sorte, esclaves du devoir,
Non pas dans ce bonheur simple des patriarches,
Mais dans ce bonheur vrai que donne le Savoir,
En jetant sous le pont du Progrès d’autres arches.

Moi-même j’ai vécu toujours au milieu d’eux,
Et tandis qu’embrasés comme autant de Vésuves
Les peuples se tordaient dans des spasmes hideux,
La paix nous imprégnait de ses calmes effluves.

Pareils à des rosiers refleuris au printemps,
Les Arts, se ranimant aux brises pacifiques,
Enlaçaient au soleil leurs branchages flottants,
Qui se couvraient de fleurs et de fruits magnifiques.

On gardait les chefs-d’œuvre anciens soigneusement
Sur les autels d’église ou les murs des musées :
Là Van Eyck qui peignit, sous un bleu firmament,
L’Agneau qu’entoure un chœur de blanches épousées

Là Rubens, large fleuve empourpré, miroir clair
Qui réfléchit des Christ portés par des hercules,
Et des groupes fleuris de femmes dont la chair
A le splendide éclat des rouges crépuscules.