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adéquate au sujet. Le poète a dit : « Je suis l’Empire à la fin de la décadence » (et ce sonnet a suffi pour qu’on reprît le mot de décadents et qu’on en fit un moment une École factice). La décadence est également et surtout dans la forme poétique elle-même, qui s’abandonne, tombe en langueur, dont le cristal se fêle presque à dessein pour que les fleurs, dans l’eau d’âme dépérissent plus languissamment.

Or toute cette évolution de forme, chez Verlaine, est très voulue, très comptée. Il est attentif à tout. Il bénéficie de tout. Nous savons les précieux legs qu’il doit à Valmore. Une autre influence intervint, qui fut plus décisive encore. Il s’agit de Rimbaud. Celui-ci entra dans sa vie pour la déséquilibrer. Il entra aussi dans son œuvre. Rimbaud, à qui Victor Hugo avait imposé les mains en proclamant : « Shakespeare enfant », possédait en réalité un prodigieux instinct de poète qu’il dédaigna et perdit en des exodes et des trafics lointains. À peine avait-il jeté, dans l’exaltation étrange de ses vingt ans, quelques ébauches de génie sur le papier. On connaît les Illuminations, ses proses qui ont la fièvre, ses cantilènes impressionnables comme des lustres.

Rimbaud qui était un révolté, ayant la haine de la vieille Europe, de tout ce qui est rectiligne, et partant pour du « nouveau » dans son Bateau Ivre, aurait été un révolté aussi contre les vieilles