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à Verlaine, s’il garda un peu l’ingénuité de l’enfant, on peut ajouter qu’il garda un peu aussi l’ingénuité de l’ivrogne.

Mais ce qui les différencie et fait qu’en réalité, si leurs âmes et leurs vies se ressemblent, leurs œuvres n’ont aucun point de contact, c’est que Musset, n’était qu’éloquent tandis que Verlaine fut extraordinairement artiste. Et c’est l’émerveillement de son art que d’offrir avec tant d’essor et de chant une telle ciselure. « Le vent crispé du matin. » « Des mots si spécieux tout bas. » « Les phrases sveltes. » Quelles miraculeuses épithètes ! Toutes Les Fêtes Galantes sont de cette écriture subtile encore que les rythmes s’envolent comme des jupes et des nuages.

Et une forme qui n’a pas que d’heureux hasards, des bonnes fortunes d’expression. Verlaine est très expert et roué dans les choses de son métier. Il est allé aux bonnes sources et à des sources peu connues… Il tira grand profit de Marceline Valmore. On lui a fait grand mérite de ses vers de cinq, sept, neuf, onze, treize syllabes, en oubliant, un peu qu’ils avaient été tous pratiqués par Valmore, Mais il faut convenir qu’il leur donna un tour propre. Chez lui, le vers trébuche et boite dans les mètres impairs, l’air exténué d’avoir fait le tour de tous les rêves. Le vers de treize syllabes s’allonge, comme étiré dans un bâillement. La forme est