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tique parmi le brutal drame humain, puisque la beauté est dans l’ordre.

L’œuvre des Rosny, comme celle de Flaubert et de presque tous les grands écrivains, a ceci de curieux qu’elle peut se diviser en deux groupes très distincts, deux voies parallèles, quittées, reprises et menées de front. D’un côté, des romans de mœurs, de documents, de modernité : Nell Horn, le Bilatéral, le Termite, sans compter ces romans d’analyse aiguë et méticuleuse, situations d’amour où l’écrivain herborise dans les cœurs, depuis Daniel Valgraive jusqu’à l’Autre femme et Double amour ; d’un autre côté, des livres tout en décors et en visions : la Légende sceptique, Eyrimah, les Origines.

Les uns expriment l’air du siècle ; les autres s’amplifient en des reculs d’espace et de temps. Les uns sont en profondeur ; les autres en horizons.

Or chez Flaubert aussi, Madame Bovary alterna avec Salammbô et Bouvard et Pécuchet avec la Tentation de saint Antoine.

N’est-ce pas un moyen pour l’écrivain de satisfaire la nature double, le goût contradictoire qui se retrouve chez tout homme d’une cérébralité un peu haute : l’amour du rêve et de l’action ?