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nature. Car, après nous avoir évoqué dans leurs étonnants paysages et scènes préhistoriques le pauvre cerf élaphe, poursuivi par le lion, par le felis spelæa, puis broyé et dévoré, ils nous montrent, aussi épouvantée et apitoyante que le cerf élaphe, la pauvre Nelly en fuite dans ce Londres actuel où la traquent d’autres monstres, la faim, la prostitution.

Toujours la même angoisse dans l’éternelle gravitation : le vertige du ciel, par-dessus soi ; la terre finale, par-dessous ; et, tout autour, les tableaux naturels : l’eau, les herbes, les pollens d’amour, le poison caché, la mort qui rôde, mille embûches parmi les fleurs, la désagrégation, un va-et-vient de molécules dont nous sommes, pour une minute anxieuse, l’éphémère colonie !

C’est déjà beaucoup que cette conception scientifique du roman, c’est-à-dire ne voir les êtres — dans le livre comme dans la vie — que liés à tout le ténébreux mécanisme du cosmos. Ceci, au fond, constituait la dernière application de la méthode naturaliste. Voir scientifiquement des types et des caractères n’est pas autre chose que les voir plus juste et dans la vérité absolue. C’est du réalisme transcendantal, poussant sa