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lui, et c’est d’elle que dépend la marée rouge de son sang.

Tout est en communion dans la nature. Universel enchaînement ! Forces surplombantes et inéluctables ! Molécules fraternelles ! C’est ce que les Rosny font sentir dans leurs œuvres. L’imagination ici se limite par la science, mais s’étend jusqu’à elle, comme un continent jusqu’à la mer. Or même dans l’intérieur des terres on sait, on devine, on entend, la grande pulsation lointaine des marées inexorables. Chez les Rosny aussi, autour des créatures il y a la création. De cette façon, le roman représente la vie intégrale, telle que peut la concevoir, telle que doit la concevoir un cerveau qui a reçu une éducation scientifique… Les personnages ne sont plus indépendants. Ils sont enveloppés, rattachés à la vie totale, à l’ensemble vertigineux de l’univers, petites lumières frêles dans un immense déploiement capricieux, vibrants organismes en proie aux forces, aux combats, aux conflits de la faim et de l’amour, aux ivresses du sang rafraîchi par des proies et par l’avril.

Drame éternel et monotone que ce drame de l’univers, soumis à la fatalité… Aux deux bouts de leur œuvre comme aux deux bouts de l’histoire, les Rosny nous montrent le triomphe du fort, l’imagerie lamentable de la théorie darwiniste et la société non moins cruelle que la