Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/295

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Dans la notation de ces étranges aspects de la passion, M. Rodin ne cesse pas d’être selon la Nature, laquelle connaît aussi les déformations. Et la preuve c’est qu’ici encore son art est sans date, caractère qui marque les œuvres de la Nature et marque aussi les siennes, même celles de cet ordre. Si peu datées, qu’on pourrait croire, quant à ces dessins, gouaches, à des peintures venues de quelque temple d’Assyrie ou d’une cellule libidineuse de Pompéï… Peinture murale, vieille de siècles, et reportée par on ne sait quel miracle égal au rentoilement, sur un bristol d’aujourd’hui.

M. Rodin n’a pas seulement exprimé l’amour ; mais toutes les passions. Son art va plus loin que les cas. Il s’agrandit à la beauté de l’idée générale, à une philosophie de la vie, dans son admirable Porte de l’Enfer, qui, elle aussi et encore une fois, n’a rien de contemporain et de contingent, déroule la permanente Humanité. C’est un tableau des Passions, toutes les passions, regardé par la grande figure qui est au sommet et représente, non pas même Dante, mais le poète éternel, pensif et nu, en communion avec ce que Baudelaire appelait « le spectacle ennuyeux de l’immortel péché ». C’est, en effet,