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bait. Elle allait, soi-même se créant. Elle s’habillait de l’arc-en-ciel. Prodige d’irréel ! Remous de tissus ! Robe en feu, pareille aux flammes où se cache Brunehilde et qu’il faut traverser pour la conquérir.

M. Chéret s’en enthousiasma : elle lui donnait raison. Est-ce que lui-même ne faisait pas, bien auparavant, du Loïe Fuller peint ?

Or, de son côté, il avait rendu déjà la poésie des couleurs en mouvement, ce qui se décolore et qui se recolore sous des éclairages factices, des feux de Bengale, des projections de lumières fondantes.

Ses œuvres aussi sont de la danse : des féeries, des pantomimes, des ballets.

Tantôt, dans les affiches, ils se jouent en plein air, à la clarté crue du jour ; tantôt, dans les pastels et les peintures décoratives, où règne un jour de théâtre, ils semblent corroborés par des feux de rampes. Figures en rêve, sarabandes de lettres, carnaval qui se déhanche, rit, s’excite, mais dont on sent — et c’est la philosophie supérieure de cet art — qu’il va s’achever dans une aube livide comme la mort.