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centre, un cadavre de femme sous le soleil, principe de la vie, qui la décompose, mais ne la décompose que pour activer l’éclosion de ce merveilleux jardin de fleurs, né de sa putréfaction. Fécondité chimique de la mort qui engendre la vie ! Et voici que, à droite, le Couple éternel descend et va s’embarquer sur le fleuve de l’existence, embouchure bleue, qui de l’autre côté, après le tour circulaire, débouche en détritus, charniers, fumées, tout le bourbier terrestre qui, lui aussi, va alimenter l’éternelle efflorescence de la Nature.

N’est-ce pas une magnifique conception ? Un autre eut peint quelque anecdote, une expérience de chimie, un laboratoire. M. Besnard agrandit son thème jusqu’aux proportions de la Matière universelle ; et il s’atteste en même temps un peintre extraordinairement moderne par la conception scientifique de ses sujets et de la vie. C’est en cela qu’il est surtout original et unique. Il est un peintre touché par la Science. Delacroix avait des points de vue littéraires, un idéal religieux et historique. M. Besnard a un point de vue scientifique, une philosophie évolutive… Et il est le seul à exprimer l’Univers en images selon la Science, sans qu’elles cessent d’être selon la Beauté.

Est-ce que son plafond de l’Hôtel de ville n’est pas l’apothéose de la Science ? On voit la