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tache directement à l’École française… Ce n’est pas devant les Botticelli ou les Primitifs de Venise et de Florence qu’on songe à lui. C’est en regardant les Poussin, par exemple l’Automne ou la Grappe de la Terre Promise et l’Été ou Ruth et Booz. Là aussi les figures qu’on dirait d’une humanité supérieure ont néanmoins l’attitude si juste de leur besogne, fauchent, ploient un peu sous le fardeau du raisin de Chanaan.

Tout de suite on établit un parallèle avec les calmes scènes de Puvis de Chavannes, dérivant d’un même idéal, mais amplifié et réalisé avec des moyens nouveaux, une originalité absolue.

Surtout qu’il fut également comme Poussin — et on ne le dit pas assez — un merveilleux paysagiste : dans l’Été dans la fresque de la Sorbonne aux collines circulaires, d’un bleu-paon si doux ; dans Pauvre pêcheur où s’illimite un site d’eau, d’une eau glauque et nue qui extériorise pour ainsi dire le cerveau sans pensée du pécheur calme ; dans le Bois sacré, symphonie savante des verts multiples de la forêt. Ici encore il a bien sa manière propre qui n’est celle ni des réalistes ni des symbolistes. Il ne peint pas, comme les symbolistes, des paysages de rêve, aux arbres déformés, aux terrains d’une coloration comme ceux qu’on voit en songe ou dans la fièvre. Il reproduit vraiment la nature, des