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cendre morte des années, qui nous picote les narines quand nous entrons dans « les pagodes souterraines », dont le parfum d’éternité, devant l’immuabilité des Bouddahs, tisse sa trame omnicolore de cette poussière précisément tressée avec des essences d’arbres, des fientes et un encens millénaire ?

Ainsi M. Pierre Loti nous donne vraiment une impression intense des pays lointains. Il a bien observé. Il évoque avec acuité. Son exotisme n’est pas de pacotille. Et le véritable intérêt de ses livres est là.

On lui voudrait parfois de plus grandes trouvailles de style, encore qu’il ait d’émouvantes sourdines, des mots qui soudain se voilent et se brouillent, des fins de phrases entrant dans du brouillard. C’est un de ses grands charmes mystérieux que cet inachevé de certaines phrases qui semblent s’en aller et se continuer dans le blanc des pages.

On lui voudrait aussi un peu moins de vérité, d’aspects réels, pour une transposition en art, ces déformations, ces déviations dans le songe et la féerie où, parmi les paysages exotiques, les lanternes peintes auraient l’air d’étoiles dans des robes à fleurs.