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muns, lui fit un jour là-dessus une grande querelle. Ce fut une joute où M. France trouva ses plus délicieux accents. Il demanda grâce pour son plaisir, sa sensualité d’aimer certains livres comme on aime certaines femmes, sans pouvoir dire pourquoi, et sans autre raison avouable que d’avoir été troublé, charmé, séduit, en présence d’eux, et d’avoir alors lui-même songé à la Beauté.

Mais il n’y a pas que la beauté des formes. Il y a la beauté morale. M. Anatole France s’est tourné vers celle-ci et son talent vient d’y trouver une force nouvelle et profonde. Dans l’ironiste éclot un philosophe. Le voluptueux de Thaïs et du Lys Rouge, le dilettante de la Vie Littéraire, devient une sorte d’historien des mœurs. Il a commencé une série de livres : L’Orme du Mail, le Mannequin d’osier, rattachés par un titre commun : « Histoire contemporaine. » Et, en effet, c’est moins du roman que l’étude des sentiments et des idées actuels. L’écrivain a pris le cadre vague de la vie de province. Cadre délicieux, d’ailleurs, que la petite ville. « Ah ! la petite ville de mon cœur ! » soupirait ironiquement, et en même temps tendrement, Jules Laforgue. On est un peu lassé