de terre qui n’est pas semblable aux autres. Dans Les Bretons, il en a recueilli un grand nombre : les ruches d’abeilles qu’on habille de crêpe pour un enterrement et de rouge pour une noce ; les seaux et les bassins qu’on vide durant l’agonie pour que l’âme défaillante ne s’y noie pas ; les épingles de la mariée que les jeunes filles se disputent.
Ajoutez à cela le Merveilleux, cet élément surnaturel qui paraît indispensable à un poème, si logiquement trouvé par Brizeux dans la croyance populaire aux démons, aux mauvais génies, aux nains, aux âmes des Trépassés revenant, les nuits d’automne, inspecter leur maison et s’y chauffer devant la braise ; dans la croyance aussi aux saints catholiques qui, comme saint Corentin et sainte Anne d’Auray, sont honorés dans les Pardons et protègent avec des scapulaires et des médailles bénites.
Toute cette vie légendaire et naturellement poétique d’un peuple et d’une nature si à peine violés, Brizeux n’avait qu’à la dire avec simplicité et émotion, comme il l’a dite, pour faire œuvre d’art originale — lui qui avait vu et avait senti ce que nul autre n’avait su voir ni sentir. Or tout l’art personnel est là ; et c’est pourquoi Sainte-Beuve avec raison a dit de lui que, « si la critique voulait marquer d’un nom ce fruit nouveau, elle serait contrainte d’y rattacher simplement le nom du poète ».