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où devait reposer le poète, elle ajouta avec un air d’ignorance et de vénération : « C’est au cimetière de Lorient, sans doute, qu’on aura rapporté ses reliques… »

Cependant le nom de Brizeux avait réveillé toutes les mémoires : chacun se met à en parler, tandis que le train file à travers les champs de blé noir et de bruyères roses ; un vieux paysan assure qu’il l’a vu dans sa jeunesse — Brizeux n’est mort qu’en 1858 ; — un curé en cause à son tour : lui connaît toutes ses œuvres et, du reste, l’a rencontré autrefois, du temps où il arrivait jeune vicaire à Pont-l’Abbé ; même le poète entra un jour en grande colère parce qu’on avait jeté bas un vieux Calvaire qui menaçait ruine, au bord d’une route, au lieu de le restaurer et de le conserver avec soin : tant Brizeux avait sincèrement le culte de la tradition armoricaine et de la défense de son pays contre les nivellements modernes.

Chose touchante que la survie unanime de ce nom dont la lumière grandit pour avoir fait plus que travailler au bien matériel et immédiat de son pays — pour l’avoir immortalisé dans son œuvre, à ce point que si la Bretagne tout entière mourait, elle serait conservée à jamais, impérissable momie, dans les bandelettes enroulées de ses vers.