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vrer les chrétiens en terre barbaresque. Or il est convaincu qu’il y a toujours des captifs, qu’ils sont un nécessaire et permanent produit de la nature, qu’il y a toujours des captifs comme il y a des arbres, du blé, des oiseaux : « Et non seulement il y a des captifs, se disait-il tout haut ; mais il y en a dix fois plus, depuis que nous avons cessé de les racheter… » M. Octave Mirbeau aussi pense qu’il y a partout des captifs, et son œuvre de haute pitié, de fraternité humaine, ne va qu’à apitoyer en leur faveur, à les faire délivrer.

Ainsi, dans le Calvaire, il s’agit de l’homme emprisonné dans une passion ; dans l’Abbé Jules, c’est le prêtre emprisonné dans le célibat ; dans Sébastien Roch, c’est l’enfant — oh ! la plus désolante misère — emprisonné dans le collège.

Mais les personnages de ces romans qui, au fond, se ressemblent, sont encore et surtout emprisonnés dans la vie. Ils n’ont pas, de celle-ci, la même conception que les autres hommes. Pareils à l’écrivain qui les conçut et vraiment ses frères en destinée et en souffrance, ils sont aussi des incontentés, des nostalgiques (c’est-à-dire également de la famille de Don Juan). Ils ne se résignent pas à ce qu’est l’existence dans l’état actuel des sociétés. Ils se refusent à être des créatures de civilisation et veulent