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raires pour 540 000 francs. Par honnête et pour sauver de la faillite son libraire, il déchira le traité. Depuis longtemps, il semait l’or et les charités avec une prodigalité inépuisable. À un ami dans la gêne il écrivait : « Je ferai couper mes plus beaux arbres. » Alors, devant ce gouffre de dettes (plus de deux millions), Lamartine empoigna sa plume comme un outil et pendant vingt ans remplit de sa fière écriture du papier blanc accumulé, qu’il jetait à ce gouffre.

Cela ne suffit même pas ; et vinrent alors les grands déboires, les humiliations publiques : la vente de Milly, la loterie, la souscription nationale — toute la lie, toutes les feuilles mortes de l’automne de la vie.

Et aucune pitié ! Louis Veuillot, qui a la triste gloire d’avoir trouvé tous les mots cruels sur son temps, proclama : « M. de Lamartine n’a plus une lyre ; c’est une tirelire. »

Et si, pourtant ! il la possédait encore, cette lyre ancienne ! et malgré l’horreur des quotidiennes besognes, encore et toujours — dans ses pages obligées, tout au long des Confidences ; de ses livres d’histoire, de son Cours familier de littérature, — des vibrations éclatantes, des coups d’ailes soudains, des ruissellements d’âme et de pierreries, tout un trésor intérieur que sa longue vie orageuse n’avait pas suffi à dilapider.

Mais plus de poèmes, hélas ! à cet âge pour-