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d’hui sans stupéfaction les détails du rôle qu’il joua à ce moment : sa lucidité d’esprit, son audace, son courage durant ces jours où, grâce à ce magnétisme, à ce fluide charmeur qui furent toujours en lui, vingt fois il arrêta l’anarchie ; où vingt fois il prit la parole, tête nue, sous les fusils braqués, bravant la mort, nouvel Orphée qui apprivoisa le lion populaire et l’entraîna avec des chaînes de fleurs. On connaît sa phrase célèbre sur le drapeau tricolore qui n’était qu’une sublime inspiration de plus après tant d’autres, où son patriotisme, pendant ces journées de février, se multiplia.

Dans l’hagiographie, on apprend que certains saints vécurent toute leur vie en état de grâce.

On peut dire de Lamartine qu’il a été toujours en état de génie.

Mais le génie ne va pas sans la couronne d’épines. Lamartine porta la sienne. Que n’était-il resté à la porte de la République ! Platon l’eût couronné de roses. Des plus hauts sommets de la popularité il tomba, selon la parole de Milton, dans les mauvais jours et dans les mauvaises langues. La Révolution avait achevé de le ruiner. Quelques semaines avant les événements de février, un traité lui achetait ses œuvres litté-