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nous avons changé ; nous n’avons plus l’âme qu’il faut, l’âme ancienne toute neuve et impressionnable.

Pour Lamartine aussi il vaut mieux se souvenir de l’avoir lu — lui qui nous demeure, à travers les années, comme la douceur d’un ancien amour !

Et pourtant, qui fut jamais plus poète, dans le sens originel et foncier ? Chez lui, la poésie était un acte spontané de la nature, comme la respiration ou la circulation du sang. Il était lyrique de la tête aux pieds, a-t-on dit.

Il a chanté sans savoir comment ni pourquoi, comme la mer, et comme la forêt — frère lui-même de ces infinis qui rendent tous un son pareil !

Car il n’avait rien appris. C’est un ignorant qui ne sait que son âme, observa un jour Sainte-Beuve. Tout au plus connaissait-il l’irrémédiable mélancolie de son précurseur Chateaubriand, âme orageuse à l’image et à la ressemblance de ses horizons maritimes de Bretagne, et les sublimités de la Bible dont précisément, dans son entourage, on s’occupait beaucoup à cette époque. Deux de ses amis, M. de Genoude et M. Dargaud, avaient traduit les Psaumes et les Livres,