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De même M. Whistler, qui pour ses portraits exige des séances de pose nombreuses, chaque fois recommence ; mais le portrait en train qu’il efface demeure en dessous, et le visage définitif n’est que le total de tous les visages, le type essentiel du modèle, son expression d’éternité faite avec toutes les expressions quotidiennes.

M. Alphonse Daudet, lui aussi, a créé ainsi des types généraux : Tartarin, Sapho, Delobelle, le Nabab, Numa Roumestan, l’Immortel, statues et bustes où l’observation consolida de supports de fer sa souple argile du Midi et de Paris.

Car son œuvre est faite du mélange de ces deux éléments : Paris et le Midi. Ce qu’il a peint surtout, c’est le méridional hors du Midi et spécialement dans Paris.

Déjà, dans le Midi, le méridional est toute chaleur, gestes et mimique de comédien, la conversation comme chargée d’un maquillage où tout apparaît plus grand que nature ; il est tout enthousiasme, exagération, mensonge ingénu, vanité naïve, hâblerie provoquante, de façon à faire souvenir que le pays de Don Quichotte n’est pas loin. Aussi est-ce par ironie, à coup sûr, et froid humour, que Stendhal, dans ses Mémoires d’un touriste, prétendait reconnaître le Midi au