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Chaque fois maintenant que Jane arrivait à Bruges, Hugues la rejoignit, soit à la fin de l’après-midi, avant le spectacle ; mais surtout après, dans les silencieux minuits où, jusque tard, il s’enchantait auprès d’elle : malgré l’évidence, son grand deuil intact, les appartements d’hôtel toujours l’air étrangers et transitoires, il parvenait peu à peu à se persuader que les mauvaises années n’avaient point été, que c’était toujours le foyer, le ménage d’amour, la femme première, l’intimité calme avant les baisers permis.

Les douces soirées : chambre close, paix intérieure, unité du couple qui se suffit, silence et paix quiète ! Les yeux, comme des phalènes, ont tout oublié : les angles noirs, les vitres froides, la pluie, au dehors, et l’hiver, les carillons sonnant la mort de l’heure — pour ne plus papillonner que dans le cercle étroit de la lampe !

Hugues revivait ces soirées-là… Oubli