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à allumer les lampes, prolongeant la douceur triste de l’ombre qui tombe, escomptant les atteintes du soir… Minutes où l’âme est en peine, se sent seule, se confie. Wilhelmine était naturellement timide ; elle rougissait vite. Elle rougissait toujours depuis quelque temps, chaque fois qu’elle adressait la parole au jeune homme. Dans ce demi-jour, elle s’enhardirait sans doute, ne rougissant plus, car on ne rougit que de se sentir regardé.

Wilhelmine causait alors avec Hans de mille riens charmants, de la pension, d’une compagne qui lui avait écrit, d’un livre qu’elle avait lu, d’un voyage qu’elle voudrait faire.

— Et vous, vous n’aimeriez pas de voyager, Hans ?

Elle l’appelait ainsi par son prénom, familièrement. Ils se connaissaient depuis si longtemps !

Ils avaient été enfants ensemble.

Wilhelmine sentait pourtant qu’il y avait quelque chose de changé. Quand elle était rentrée de pension, et qu’elle avait revu Hans, tout grandi,