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lade, comme s’il était dans du clair de lune…

L’opération terminée, elle ramassa, emporta tous les cheveux coupés de Hans, ce joli butin de cocons dont elle allait filer les jours moroses de son avenir… Même elle eut l’idée, au lieu de les enfermer dans un coffret ou un tiroir, — on ne fait cela que pour les cheveux des morts, — de les laisser pour ainsi dire circuler, exister encore au dehors, se mêler à sa vie. Elle les enveloppa d’une étoffe ancienne ; oui, elle en ferait un coussin en y ajoutant un peu de laine, un peu de duvet. Est-ce que ce n’est pas la même chose ? Est-ce que cygne, agneau, enfant, ne sont pas frères ?

Jumelle douceur des trois innocences mêlées : cheveux, laine, duvet. Moelleux coussin qui ne la quitta plus, petit oreiller de ses journées, bon appui guérisseur de sa tête souffreteuse et de ses fréquentes migraines. Quand elle se reposait maintenant sur le docile coussin de cheveux, c’était comme si elle se fût appuyée au visage de Hans.