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éclore tout à fait son petit Hans pour sauver la pauvre veuve de la douleur désemparée, hagarde, démentielle. Durant des mois, elle avait eu les rires stridents, la grimace nerveuse, l’attirance dans les miroirs d’un cher fantôme qui se noie. Seul l’enfant l’avait retenue au bord de l’abîme. Hans, c’était encore le mari mort, le bien-aimé absent qu’elle avait perdu après un an et demi de mariage, si beau, si bon, si noble ! Hans lui ressemblait. À mesure qu’il grandissait, la ressemblance se précisait : c’était sa bouche fine, avec un court pli dédaigneux, sa chair blonde, ses cheveux surtout où il y avait des remous de lumière, des mèches plus claires en volutes dans une masse d’un or qui se fonce.

Mme Cadzand adorait son enfant, si élégant, si intelligent au surplus ; dès ses premiers mois, il la ravissait par de fines grâces, des attitudes d’estampe : elle se le rappelait entre autres tout petit, un jour qu’il avait dansé sur la dolente musique d’un orgue de Barbarie qui passait. De sa