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Notre destinée doit s’accomplir ; et elle prend souvent les premiers messagers venus, des complices quelconques, pour se consommer. Ici pourtant le choix se révélait subtil. Cette Ursula était séduisante. Mme Cadzand elle-même se réjouissait de l’avoir prise à son service. La maison en était comme changée. Elle se disait : Est-ce que les nouveaux visages rajeunissent les vieilles demeures ? En réalité c’est de la beauté d’Ursula, de son inconscient sourire, que tout s’égayait ; c’est de ses yeux que les chambres s’éclairaient, comme si on y avait percé deux fenêtres de plus.

Ah ! ses yeux vraiment de candeur, spacieux et bleus, des yeux comme un mois de Marie, comme des puits pleins de ciel ! Mais il y avait plus que leur couleur pour en subir le charme. Leur forme aussi, leur mouvement, car ces yeux vivaient d’une vie pour ainsi dire autonome ; ils n’avaient l’air qu’à peine domiciliés au visage. Quand Ursula regardait, il semblait que ses yeux quittaient les paupières, approchaient,