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longue et touchante manigance. Ah ! c’était bien cette fois la tentation la plus forte, le sacrifice le plus dur que Dieu lui demandait. Il n’hésitait pas, certes ; il ne balançait pas sur sa vocation qu’il savait nette et irrévocable. Il s’était donné à Dieu et ne se reprendrait pas. Mais ces bons cœurs qu’il allait contrister ! Il comprenait maintenant les assiduités de sa mère chez Mme Daneele, les fréquentes rencontres, les promenades. Et cette pauvre Wilhelmine qui l’aimait, si jolie et si triste en ce moment devant son silence !… Hans ne trouvait rien à dire. Ils restaient muets l’un devant l’autre comme s’il y avait un mort entre eux.

Hans, pourtant, avec la rapidité de pensée qu’on a dans ces minutes-là, songea qu’elle était, pour lui, la tentation, le piège doucereux d’Ève qui est toujours l’alliée du Démon. Complice redoutable qui voulait le détourner de sa voie. N’était-elle pas déjà telle, quand elle arriva, le soir de son premier bal, dans cette toilette