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jours. Mon père se mit à lui parler avec une extrême animation, bien qu’à voix basse, à cause de moi. D’abord, je ne saisis que quelques bribes de leur conversation : « Méchanceté publique…, bruits calomnieux…, au-dessus de toute attaque », etc. Puis, comme il arrive volontiers aux grandes personnes qui croient toujours les enfants plus petits qu’ils ne sont, ils oublièrent ma présence, ou pensèrent que je ne comprendrais pas ; en sorte que, peu à peu, ils élevèrent la voix. J’entendis à peu près ceci :

— Je vous le répète, monsieur le curé, de telles calomnies devraient déshonorer aux yeux des honnêtes gens ceux qui les propagent ou les répandent !

— Sans doute, sans doute, monsieur le docteur. Pourtant, vous reconnaîtrez que les apparences…

— Les apparences ne signifient rien, vous le savez bien, n’est-ce pas ? D’ailleurs, ces apparences mêmes n’existent pas : ce sont des menteurs et des lâches qui les ont créées pour les besoins de leur vilaine cause !

Le curé parut réfléchir :

— Oui, fit-il en remuant la tête, tout cela est triste, triste…

Alors, mon père, s’arrêtant au milieu du chemin, le prit par un bouton de sa soutane :

— Voyons, lui demanda-t-il, vous, ne